1859
1 janvier 1859: L'indisposition dont j'avais été atteint les derniers jours de 1858, continua au commencement de 1859 et ne
tarda pas à dégénérer en véritable maladie qui dura près de 4 mois, y compris une convalescence assez laborieuse et non sans
souffrances se déclarant à des intervalles assez inégaux.
Il y eut complication de cathare bilieuse, abcès dans l'oreille gauche et douleurs névralgiques très intenses.
Peut être ce grand malaise eut-il été de moindre durée s'il n'avait été accompagné de graves inquiétudes sur la santé de ma chère
femme, qui pendant le même moment fut aussi assez dangereusement malade.
Je ne m'étendrai pas pas beaucoup sur le triste état de nos santés respectives.
Seulement, et pour n'y plus revenir, je noterai ici que le 26 février eut lieu une consultation pour Cécile entre les docteurs
Barrelet, Anker et Favre, qui furent d'accord pour m'affirmer que son état n'était point alarmant, mais qu'ils envisageaient comme
nécessaire pour elle une cure de lait d'ânesse.
Je fis immédiatement les démarches nécessaires pour me procurer l'animal et la cure commença le 5 mars.
Grâce à Dieu, comme nous le verrons par la suite elle eut un plein succès.
Pour ce qui me concerne je consignerai aussi que pendant plusieurs semaines, je ne pus dormir un peu qu'à l'aide de morphine,
surtout pendant le courant de février et de mars, eu égard aux fortes douleurs névralgiques, qui eurent pour effet de me procurer
pendant quelque temps, une espèce de vue double, qui était fort désagréable, et qui ne cessa que peu à peu et à mesure que ma santé se raffermit.
Je noterai encore qu'à plusieurs reprises pendant ma maladie j'essayai de reprendre mes occupations, mais que je dus toujours les
abandonner jusqu'au 25 avril que je pus de nouveau m'y livrer définitivement.
Néanmoins et malgré ma maladie, je ne perdis pas de vue l'affaire de Meuron.
Nous échangeâmes plusieurs lettres ensuite desquelles il se décida à venir à Neuchâtel où il arriva le 17 février.
Ce jour-là nous eûmes déjà une conférence avec lui et Charles de Marval, choisi par lui pour nous assister.
Le lendemain 18, sur le désir de Meuron de nous adjoindre un notaire, je convoquai Alphonse Clerc et nous eûmes à nous quatre
une nouvelle et dernière conférence dans laquelle il fut convenu que Meuron s'engageait à nous faire tenir une somme d'environ deux
cent mille francs, au moyen de laquelle nous prenions de notre côté l'engagement, tout en la répartissant entre les créanciers
neuchâtelois, d'obtenir d'eux une quittance pleine et entière.
Sur quoi Meuron repartit pour Paris sans avoir vu d'autre personnes, n'étant resté à Neuchâtel que deux jours et une nuit.
Du reste tout devait rester secret jusqu'à terminaison de l'affaire.
Le 14 avril 1859 je reçu une visite de mon frère qui m'annonça que M. de Perregaux savait maintenant pourquoi Frédéric
Meuron avait été à Neuchâtel et qu'on l'avait appris de Fritz Dardel qui l'avait écrit de Versailles.
Je pris cette note afin que, s'il en transpirait quelque chose dans le public, on ne pût nous accuser d'indiscrétion ni Marval, ni moi.
Le 29 avril 1859 enfin eut lieu la répartition des 200 mille francs.
Cela fit une grande sensation dans le public et cela d'autant plus que cette restitution de la part au débiteur était loin d'être attendue.
Quoiqu'il en soit, on n'a pas su d'où le coup partait, ou si on l'a appris on ne m'a jamais rien témoigné à cet endroit.
Dans le commencement de janvier M. de Pourtalès de Greng avait voulu me faire une visite, mais ce jour-là j'étais tellement souffrant
que je n'avais pas pu le recevoir.
Me trouvant mieux quelques jours plus tard, je voulus lui témoigner ma reconnaissance de son attention et je lui adressai le 21 janvier
la lettre ci-après:
Mon cher oncle,
Quoique faible encore et ne pouvant écrire que difficilement, je sens le besoin de prendre la plume pour vous dire combien
j'ai été sensible à la peine que vous avez prise de passer chez moi il y a quelques jours.
J'ai éprouvé d'autant plus de regrets d'être dans l'impossibilité de vous recevoir que je ne sais quand l'occasion de vous voir
pourra se représenter pour moi.
Je sais bien que je pourrais tenter de me présenter à Greng et que peut-être vous auriez la bonté de m'admettre à vous rendre mes
devoirs; mais vous l'avouerai-je ? courir la chance de n'être admis que par faveur est une idée qui me serait insupportable,
surtout lorsque je me retrouverais dans ce salon dont je fus jadis l'un des hôtes les mieux accueillis.
Et pourtant je voudrais vous revoir encore sur cette terre, je voudrais (ne fût-ce qu'une fois) vous témoigner la profonde
vénération que j'ai pour vous, vénération qui ne peut être égalée que par celle que j'avais pour mon père;
je voudrais aussi vous exprimer, ainsi qu'à ma cousine toute la reconnaissance que j'éprouve pour toutes les bontés dont pendant
de longues années années vous n'avez cessé de me combler;
je voudrais enfin chercher à vous convaincre que si, aux yeux de certaines personnes, j'ai eu des tords graves et si j'ai des défauts,
l'ingratitude au moins n'est pas au nombre de ces tords, ni de ces défauts.
Voilà, mon cher oncle, ce qui m'aurait vivement fait désirer de pouvoir vous recevoir lorsque vous avez pris la peine de lasser à
la maison.
Maintenant, mon cher oncle, l'avenir est dans les mains de Dieu; quel sera cet avenir pour moi ? je l'ignore.
Mais quel qu'il soit, veuillez être persuadé, ainsi que ma cousine, que les sentiments exprimés ci-dessus sont des sentiments vrais
et que s'il y manque quelque chose c'est de ne pouvoir les exprimer encore d'une manière plus complète.
Madame de Pourtalès répondit par retour du courrier:
C'est moi, mon cher François, qui me charge de répondre à votre affectueuse lettre, qui nous a touché
et peinés en même temps, car vous semblez être inquiet de nos sentiments à votre égard.
Si nous n'avons pas toujours partagé votre manière de voir sur des choses au fond assez indifférentes, nous n'oublierons jamais
ce que nous avons été les uns pour les autres pendant tant d'années, et ce que nous serons toujours, je l'espère.
Avec l'âge on prend des susceptibilités, on s'exagère aussi bien des choses et on ne s'épanche plus comme dans sa jeunesse,
ce qui peut faire supposer que les affections ont changé.
Votre oncle a regretté de ne pas vous voir et nous avons été bien fâchés d'apprendre que vous étiez souffrant.
Nous espérons que vous vous remettrez bientôt complètement et que vous viendrez voir de vieux et bien tristes ermites, dans ce Greng
qui a été témoin des réunions si fidèles de vos chers parents.
Leur souvenir béni présidera à notre bien cordial accueil et nous serons heureux de vous revoir, soyez en bien persuadé.
Ces deux pièces me dispensent d'entrer dans de plus grands développements sur l'objet dont il était question.
Je dirai seulement que le refroidissement durait depuis le 3 septembre 1856 et depuis mes agissements dans cette triste circonstance.
7 février 1859: Georges fit ce jour-là sa première plédoirie à la Cour d'Appel.
On me dit qu'il ne s'en tira pas trop mal.
Quoiqu'il en soit il reçu quelques jours après son brevet qu'il m'apporta le 18 février.
Le 18 avril 1859 je paris pour Strasbourg où je devais me rendre pour la ratification de ma chère fille.
Mais voulant faire d'une pierre deux coups je profitai de ce petit voyage pour visiter la cité ouvrière de Mulhouse.
A cet effet j'engageai Gustave du Bois à m'accompagner dans cette dernière ville où nous arrivâmes de bonne heure dans la soirée.
Nous nous rendîmes immédiatement chez Edouard Vaucher qui le lendemain 19 se mit à notre disposition.
Nous employâmes toute notre matinée à parcourir la cité et à nous munir de tous les renseignements propres à nous venir en aide
dans l'oeuvre de même nature que nous devions entreprendre à Neuchâtel.
Nous prîmes beaucoup de notes, du Bois entre autres, notes qui plus tard ont été d'une grande utilité.
Nous dinons ensuite chez Vaucher qui nous reçu de la manière la plus cordiale;
dans la soirée nous quittâmes Mulhouse, moi pour continuer mon voyage et du Bois pour revenir à Neuchâtel.
Le 20 avril 1859: je passai une partie de la journée avec ma chère fille qui devait ratifier le lendemain.
Malheureusement ne sachant pas l'allemand je ne pus assister à la cérémonie qui eut lieu dans l'après-midi, mais pour m'en
dédommager je communiai, quoique très souffrant, dans le temple réformé.
Après sa confirmation et dans la soirée Elizabeth vint passer une heure et demie dans ma chambre à l'hôtel.
Je comptais rester encore quelques jours auprès de cette chère enfant, mais le lendemain, étant toujours souffrant, je me
décidai à repartir pour Neuchâtel où j'arrivai le 23 après avoir couché à Bâle.
Evénements de famille, 16 février 1859: Mariage d'Hélène Pury avec le Dr. Barrelet.
Ces époux me font une bien gentille visite après le mariage civil.
Le 18 février 1859 eut lieu la mort de madame Fanchette Mosset.
Après avoir été domestiques dans la maison, avait toujours été considérée par ma mère et par nous tous comme un membre de la famille.
Cette distinction, si distinction il y a, lui était bien due eu égard aux nombreux et bons services qu'elle nous avait rendus à tous,
soit comme domestique soit depuis qu'elle était sortie de notre maison à cause de son mariage.
24 avril 1859: Naissance de Paul, fils de Frédéric de Perregaux et de ma nièce Madeleine, fille de mon frère.
Le 11 avril 1859 j'apprends que les soeurs hospitalières (catholiques) ont demandé leur congé de l'hôpital Pourtalès à bref délai.
La direction est réunie pour faire immédiatement une demande auprès des diaconesses de Strasbourg.
Le 1 mai 1859 je fus informé que, à l'occasion de l'affaire Meuron. M. de Perregaux qui était primitivement un des plus
forts créanciers, se plaignait très haut de ne pas avoir été compris dans la répartition.
J'en parlai à son fils Fritz en lui annonçant que le fait était vrai, mais que Meuron prétendait que son père avait reçu plus
que les autres créanciers, même après la répartition faite.
Au reste le lendemain j'eus l'occasion de m'en expliquer avec lui.
Mais il se borna à m'affirmer qu'il ne s'était plaint à personne et qu'il avait purement et simplement répondu aux gens qui lui en
parlaient: "soyez tranquilles, je recevrai ce qui me revient."
Voilà une énigme dont je n'ai jamais eu la solution.
Avait-il reçu quelque chose antérieurement, ainsi que l'affaire Meuron, a-t-il au contraire reçu quelque chose après la répartition,
c'est ce que j'ignore complètement
Au reste je pris occasion de cette conversation pour le mettre au fait de mes agissements dans cette affaire, depuis ma lettre du
24 décembre, en lui expliquant les motifs qui m'avaient engagé à l'écrire.
2 mai 1859: Jusqu'à présent j'avais conservé chez moi les livres de compte de l'hoirie Tribolet.
Une fois la répartition Meuron intervenue, je pensais qu'ils ne devaient plus rester chez moi et après les avoir réglés d'une manière
définitive, sauf quelques affaires en très petits nombre restant à liquider, je les envoyai à mon beau-frère Tribolet représentant
naturel de l'hoirie de sa mère.
14 mai 1859: Nous allâmes nous installer à Travers pour y séjourner jusqu'au 31 juillet.
Je n'ai rien de très particulier à noter sur ce séjour, si ce n'est que ma santé s'y remit complètement ou à peu près, grâce, je crois
à la tranquillité dont nous y jouimes et beaucoup aussi aux longues et nombreuses promenades que je pris à tâche de m'imposer.
C'est aussi de ce séjour que datent principalement mes relations intimes avec la cure et très spécialement avec M. le pasteur Blanchard.
Le 31 juillet 1859: nous allâmes nous installer aux Ruillères et quoique nous n'y restâmes que peu de temps nous y eûmes
de nombreuses visites et réceptions sur invitation.
Le 11 août 1859 je quittai la montagne pour aller à Strasbourg chercher notre chère fille.
Le voyage se fit très heureusement.
J'arrivai le 12 au soir à Strasbourg pour en repartir le 16.
Le 14 j'eus le plaisir d'entendre M. le pasteur Cuvier et le 15 j'assistai aux différents épisodes de la fête de l'Empereur avec
messieur de Courtigis, d'Hauteville son gendre et Edmond de Pourtalès.
Arrivés déjà dans la soirée du 16 à Berne où nous prîmes nos quartier au Berner Hof; nous nous trouvâmes dans cet excellent hôtel
en même temps que l'Impératrice de Russie, accompagnée d'une suite très nombreuse.
Malgré cela le service des voyageurs ordinaires n'en souffrit pas le moins du monde.
C'est une justice que je me plais à rendre à M. Kraft le tenancier de l'hôtel.
Encore dans la soirée nous fîmes une visite à Elize Tribolet.
Le lendemain nous partîmes de Berne à 10 1/2 h, par la diligence pour arriver à 4h à Neuchâtel, où nous trouvâmes ma chère femme
qui elle aussi pendant mon voyage avait définitivement quitté les Ruillères.
Nous restâmes à Neuchâtel du 17 au 23 à cause des premières couches de Mathilde, laquelle le 19 à 10 1/4 h du soir, mit au monde
un gros garçon lequel à ma demande a été nommé Georges.
Le 23 août 1859 nous remontâmes en famille à Travers où je repris la vie que j'y avais menée jusqu'à la fin de juillet.
28 août 1859: Depuis les événements de 1856 un grand refroidissement, pour ne pas dire une rupture, s'était opéré
dans mes relations avec les Pourtalès de la Mettle.
Madame de Pourtalès ayant écris à l'occasion de la naissance du petit
Georges de Montmollin une lettre très aimable à ma femme, je crus que
l'occasion était bonne pour tenter un raccommodement.
J'annexe ici les deux lettres qui furent échangées à cette occasion et je me borne à cela, me réservant d'y revenir prochainement:
Travers 28 août 1859
Je ne puis assez te dire, mon cher Fritz, à quel point j'ai été sensible aux quelques lignes que tu as ajouté à la lettre si
affectueuse de ta femme à la mienne, à l'occasion de la naissance de mon petit fils.
Tu y parles à deux reprises de notre vieille amitié.
De moi à toi cela ne peut faire aucun doute, car j'ai toutes sortes de motifs pour t'être attaché et plus que tu ne crois, peut-être.
Toi et ta femme, vous m'avez ainsi que ma famille, comblé de toutes manières et certes je serais un ingrat si je ne le
reconnaissais pas en toutes circonstances.
Mais de toi à moi peut-il en être de même ?
Je ne le pense pas, parce que toute amitié solide doit être basée sur une estime réciproque,
Or sous ce rapport quelles différences entre nous deux !
Tandis que la mienne vis-à-vis de toi est pleine et entière attendu que je me plais à reconnaître hautement que dans les circonstances
où tu t'es trouvé, tu ne pouvais agir autrement que tu l'as fait; que bien plus ta conduite à été pleine de courage et de loyauté, même
chevaleresque, il est impossible, à mon point de vue du moins, que cette estime vraie que j'ai pour toi, tu puisses l'avoir pour moi.
En effet j'ai été accusé de bien des choses et je dois convenir même que j'ai commis quelques actes, qui si les uns sont vrais et
les autres inexpliqués, doivent m'avoir singulièrement nui dans ton esprit et à juste titre.
Voilà donc pourquoi je dis que ton amitié pour moi ne peut être basée sur l'estime.
Or c'est cette estime que je voudrais reconquérir, en niant quelques uns des faits qui me sont reprochés et en expliquant les autres.
Je sais que tout ce que tu redoutes c'est de revenir sur le passé, mais ne crains rien, mon cher ami, si tu consent à ce que je
te donnes des explications, ce n'est point pour récriminer. J'en prends l'engagement formel.
Je n'incriminerai les actes de personnes; mon seul but est de me disculper et je sens parfaitement que je puis le faire, j'en ai la
certitude sans prononcer une seule parole ou écrire un seul mot qui puisse faire la moindre peine à quiconque.
D'ailleurs, mon cher ami, qui te dit que, maintenant nous soyons divisés d'opinion.
Peut-être si tu accèdes à ma première, seras-tu étonné de notre accord.
Je viens donc te supplier de m'accorder une entrevue dans un temps plus ou moins éloigné et dans un moment que tu fixeras toi-même.
Si j'insiste autant auprès de vous, mes chers amis, cela vous montrera à quel point je tiens à renouer des relations d'amitié vraie,
momentanément interrompues.
J'attends donc votre réponse en vous affirmant que, quelle qu'elle soit, je n'en conserverai pas moins pour vous les sentiments
d'une affection et d'une reconnaissance toute particulière.
Réponse de Fritz Pourtalès
La Mettle 5 septembre 1859
Mon cher François
Je ne veux pas tarder davantage à venir te dire combien j'ai été touché de l'expression de tes sentiments envers moi, dont au reste,
je t'assure, je n'ai jamais douté une minute.
Notre mutuelle amitié est ce qu'elle doit être, de bon aloi, soit en sus et en dehors de la politique.
Quand à celle-ci, si tu veux m'en croire, nous la laisserons de côté, car nous pourrions difficilement nous entendre avec nos vues et
nos actes complètement divergents du passé.
Du reste, mon cher ami, ma femme et moi, aurions un grand désir de te voir à la Mettle cet automne et si tu nous fait ce plaisir,
je ne me refuserai naturellement jamais à t'entendre sur tout ce qui pourrait t'être agréable de me dire.
Nous avons appris avec un grand regret que ma chère cousine s'était un peu fatiguée dans sa course à Neuchâtel, etc. etc.
4 mai 1859: Installation comme ministre du Saint Evangile de mon neveu Albert de Pury.
6 août 1859: Mon frère m'annonce confidentiellement le mariage de son fils Jean avec Sophie de Pourtalès.
19 août 1859: Naissance du petit ou du gros Georges, comme on voudra !
Faits divers, 22 juin 1859: Début de la construction du Banc Couvert que je fais établir à mes frais sur la terrasse de
Travers, sous la direction d'un M. Lockhardt, ingénieur au Franco-Suisse et d'après ses plans.
Il fut inauguré le 27 par un café offert aux habitants de la Cure.
5 juillet 1859: Dans la matinée et au moment où je travaillais dans ma chambre, ma belle-soeur vient m'annoncer qu'un M.
Rosseux St.Hilaire, qu'elle prend pour un commis voyageur est au salon.
Après une minute de réflexion je ne doute pas d'après ce qu'elle me dit, que ce soit M. Rosseux St.Hilaire et je descend de suite
pour l'engager à dîner. En effet c'était bien lui.
Il venait de la part de son ami Keller s'informer d'elle et des Pury; car M. Keller s'était trouvé aux Bains de mer en même temps
qu'eux et ils avaient fait très bonne connaissance.
J'engageai le pasteur à venir prendre le café et nous eûmes une conversation des plus intéressantes.
Comme M. Rosseux allait aux Ponts, pour assister à l'assemblée de la Tourne le lendemain et qu'il voyageait à pied, nous l'accompagnâmes,
le pasteur et moi, jusqu'au Mont, chez M. l'ancien Henri Jeanneret où on le mit sur le bon chemin pour arriver à destination.
Il m'est resté de cette journée l'impression la plus agréable, eu égard aux détails pleins d'intérêts dans lesquels M. Rosseux St.Hilaire
est entré sur sa conversion au protestantisme et sur les événements et les motifs qui l'ont engagé à embrasser notre religion.
Le 20 juillet 1859 dans une promenade que nous fîmes avec le pasteur pour accompagner M. Humbert, pasteur de la Sagne qui
allait avec son fils au Creux du Vent.
La fermière des Oeillons nous dit que la veille, tard dans la soirée, le fermier du Soliat avait vu l'ours en descendant
(dans ce moment il était beaucoup question d'un ours existant dans ces parages)
Elle ajouta que ses enfants avaient aussi vu cet animal et enfin que les vaches ne voulaient absolument pas rester dans un certain
endroit du pâturage, quoi que l'on fit pour les y garder. Que croire ?
Le fait est que jamais je n'en ai plus entendu parler.
Nous séjournâmes encore à Travers pendant tout le mois de septembre.
Je continuai mes promenades, tantôt seul, tantôt avec le pasteur et Paul Meuron, qui à cette époque était employé comme ingénieur
sur la ligne en construction du Franco-Suisse et qui avait pris domicile à Travers.
Nous quittâmes le vallon le 27 septembre parce que Elizabeth devait être rendue à la pension le 1 octobre.
Aussitôt arrivés à Neuchâtel et après le départ de notre chère fille, nous nous décidâmes à aller passer quelques semaines à
l'hôtel Byron près de Villeneuve, où nous arrivâmes le 2 octobre.
Ayant appris que les Pourtalès-Steiger étaient à Vernex, nous allâmes dès le lendemain leur faire une visite.
Cette fois il ne fut question que de choses banales, mais j'y retournai le lendemain pour avoir avec Fritz une conversation
sérieuse, dans laquelle je commentai la lettre que je lui avais écrite naguère, en lui donnant les explications les plus
complètes et les plus franches sur ma conduite lors des événements de 1856.
Il parut satisfait et nous nous quittâmes les meilleurs amis du monde, au moins en apparence.
Le soir même ils vinrent nous rendre notre visite et repartirent pour la Mettle dès le lendemain
[On verra par la suite que ce rapprochement n'avait rien de bien sérieux et qu'en définitive ce n'était que du replâtrage (note d'août 1863)].
Je note encore ici que pendant notre séjours à l'hôtel nous fûmes durant plusieurs jours voisins de la duchesse de Cambridge,
accompagnée de la duchesse de Mecklembourg Schwerin et d'une suite assez nombreuse.
L'Impératrice de Russie (douairière) qui occupait alors l'hôtel des Trois Couronnes à Vevey, vint aussi passer un après-midi à Byron,
mais seulement après le départ de la duchesse.
Nous ne repartîmes de l'hôtel que le 24 octobre pour revenir nous fixer définitivement à Neuchâtel.
Cependant dans les premiers jours de novembre, nous passâmes encore trois jours à Travers chez ma belle-mère.
A la fin de décembre, trouvant que le corridor de notre logement était un peu froid, j'y fit faire quelques réparations dans le but
de remédier à cet inconvénient et j'y fis entre autres établir un poêle, mais cette opération, qui occasionna beaucoup de
travaux n'a pas été couronné d'un grand succès.
Le 5 novembre 1859 eut lieu l'inauguration du Franco-Suisse (ligne du littoral).
Je fus invité et j'assistai à la première course Neuchâtel-Vaumarcus, de Vaumarcus au Landeron et retour à Neuchâtel.
Mais je ne fus pas invité au banquet qui au retour fut offert à l'hôtel de ville.
Le 18 novembre 1859 mort de madame de Sandoz-Rollin, née Chambrier
1860 janvier-avril
Dans les premiers mois de cette année, ma santé fut assez bonne pour que je puisse reprendre mes fonctions avec courage;
de sorte que, à très peu d'exceptions près, je me rendis tous les jours, plutôt deux fois qu'une, soit à la Caisse d'Epargne,
soit à la Banque et que, indépendamment de ces deux établissements, je m'occupai avec suite des travaux de la société immobilière.
Le 2 janvier 1860 en place du premier qui était un dimanche nous eûmes le dîner de Nouvel An.
Si je note cette circonstance c'est que, outre les convives habituels, mes enfants, mon frère et sa famille, nous eûmes Sophie
de Pourtalès, la fiancée de mon neveux Jean, Maurice de Pourtalès et sa femme, puis un jeune Kessler de Lisbonne, neveu de madame
Ferdinand DuPasquier et par conséquent cousin germain de ma belle-fille Mathilde.
Du 3 au 8 mars 1860 je me borne à copier les notes prises à la fin de mon carnet.
Ces journées ont été pour moi fécondes en épisodes et émotions de plus d'un genre.
A l'occasion du mariage prochain de mon neveu Jean, je devais nécessairement renouer des relations avec une partie de la famille
Pourtalès, que j'avais presque complètement perdue de vue depuis les événements de septembre 1856.
Le lundi 3 mars mon frère m'engagea à assister au contrat qui devait se célébrer chez Louis de Pourtalès et ce dernier m'invita
au dîner qui devait suivre cette cérémonie.
Ce ne fut pas sans éprouver une certaine émotion que je me retrouvai dans un salon où je n'avais pas remis les pieds depuis maintes années.
Toutefois les choses se passèrent mieux que je n'aurais osé l'espérer.
Louis surtout et sa femme furent très aimables, de sorte que, après quelques instants d'hésitation, je fus parfaitement à mon aise.
Le mercredi 7 était le jour de la noce.
Comme parrain de Jean je fus invité à faire partie du cortège et tout se passa fort bien quoiqu'il fit un temps de neige et de
bourasques bien conditionné.
Il y avait huit voitures ce qui compliquait un peu les affaires.
Le dîner qui eut lieu après la prière fut somptueux et très bien ordonné et servi. C'était chez mon frère.
On fut à table depuis 5h à 8 1/4 h. On proposa force santés plus ou moins sincères.
Quoiqu'il en soit tout alla au mieux sauf quelques petits coups d'épingle à mon adresse, sur lesquels du reste je ne m'étendrai pas.
Je m'éclipsai avant le café et à 8 1/2 h j'étais rentré.
8 mars 1860: Direction de la Caisse d'Epargne. Je fais une proposition qui produit une assez grande sensation sur les membres
de l'assemblée, c'est de porter de 3 1/2 à 4% l'intérêt bonifié aux déposants et cela à partir du 1 janvier 1861.
Cette ouverture est en général très bien accueillie et on renvoie au Comité l'examen de la question pour en faire rapport à la
session d'octobre où on prendra une résolution définitive.
Si je me suis décidé à faire cette proposition, c'est à cause de la situation prospère de la Caisse qui à la vérité, n'accuse au public
qu'un fonds de réserve de