Evocation du destin d'une volée d'aspirants d'infanterie de 1937 à Colombier

par Denis Borel


 

Modeste essai émis en mémoire de leurs camarades disparus par les "aspirants" encore vaillants 65 ans plus tard, soit :
Jules Combe, 1912,
Paul Frossard de Saugy, 1914,
Pierre Pautry, 1914,
Etienne de Coulon, 1915,
Gaston Hamel, 1915,
Bernard de Montmollin, 1916,
Denis Borel, 1917 (rédaction).

Ecole d'officiers I/37

 

Articulation

  1. Entrée en matière
  2. Généralités sur les écoles d'officiers d'infanterie de 1937
  3. L'Ecole I/37
  4. Reflets de l'ambiance dans l'école
  5. Les services accomplis avant la mobilisation de 1939
  6. La période de 1946 à 1987
  7. De 1987 à 2002
  8. Annexe: Liste des aspirants de l'école d'officiers I/37 (2 pages)

 

 

1. Entrée en matière

Le premier mars 1937, on voit entrer en service, en caserne de Colombier, 56 caporaux d'infanterie romands et alémaniques. Ils portent déjà deux signes caractéristiques de leur état nouveau d'aspirants : casquette d'officier et tunique à col droit rehaussé. Ils porteront d'ailleurs quelques jours plus tard, en sortie, des culottes de cheval et des jambières noires, rigides.

Ces aspirants entament leur formation de 55 jours au grade de lieutenant dans l'école d'officiers d'infanterie I/37. Ils figurent tous sur une liste (annexée au présent texte), liste retrouvée 50 ans plus tard au Service de l'infanterie à Berne

 

2. Généralités sur les écoles d'officiers d'infanterie de 1937

Jusqu'en 1936, il y avait une école d'officiers d'infanterie dans chacune des 6 divisions d'alors.

L'année 1937 fut une charnière entre l'organisation des troupes 1924 et celle de 1938. C'est à dire qu'en 1937, il y eut une école de corps d'armée, pour le premier corps, à Colombier au printemps, puis une autre à Lausanne en été.

Dès 1938, il n'y eut plus que des écoles dépendant directement du chef d'arme de l'infanterie.

L'Ecole I/37 comprend donc des élèves de toutes les sortes d'infanterie des 1. et 2. divisions soit : fusiliers, carabiniers, mitrailleurs (de plaine et de montagne), cannoniers lance-mines et de canonniers antichars. Ils sont romands et alémaniques (ces derniers en minorité à la 2. division)

 

3. L'Ecole I/37

L'école I/37 durera 55 jours (1.3 - 24.4) et sera complétée par un séjour de 2 semaines à l'école de tir de Walenstadt (en cours d'été et par fractions successives d'élèves)

L'école est commandée par le colonel Gugger, Zurichois débonnaire, qui deviendra divisionaire. Elle est fractionnée en 4 classes, dont une alémanique. Les chefs de classe sont le major Cuénoud, qui sera sous-chef du service de renseignement de l'armée, le capitaine Robert Frick, qui deviendra chef d'instruction de l'armée, le capitaine Vodoz, qui sera colonel officier de recrutement, le capitaine Lüthy, qui deviendra brigadier. Parmi les adjoints des chefs de classe et commandants de compagnie successifs, on peut signaler le futur commandant de corps de Diesbach, respectivement les brigadiers Gubler et d'Erlach.

L'apprentissage de la conduite de la section se déroule dans une très bonne atmosphère à Colombier et à ses environs. Tous les élèves sont formés à l'emploi du fusil-mitrailleur, de la mitrailleuse mais pas à celui du lance-mines ni du canon antichars. Tous les aspirants apprennent à monter à cheval, l'un d'eux, Clerc, victime d'une ruade, doit être évacué. Il reprendra du service dans l'école II/37 en été à Lausanne. L'emploi de la grenade à main 17 ne sera enseigné que lors du stage à Walenstadt. A l'instigation du cdt 2. div. les aspirants ressortissant à sa grande unité sont initiés à l'escrime à l'épée. L'école se termina par un rapport de licenciement sans solennité, ni bal ! Les brevets suivant par la poste.

 

4. Reflets de l'ambiance dans l'école

Ce paragraphe a été rédigé avec la collaboration de Pierre Pautry.

Pierre Pautry, Genevois habitant en France voisine (Bellegarde) a perdu son père subitement au retour de Colombier, en fin d'école. Il a dû reprendre au pied levé la direction de l'importante entreprise industrielle familiale. Du haut de ses 23 ans, il a dû commander, donc se faire admettre par l'état-major d'entreprise et par le personnel. Pautry se rappelle y avoir réussi grace à l'enseignement à l'école d'officiers. Il applique concrètement en matière de relations humaines ce que les cadres de Colombier lui avaient appris par leur exemple dans l'attitude envers les aspirants.

A Bellegarde on sut domminer les mauvaisse tendances du Front populaire. Pautry se reconnaissait en action dans ses chefs brillants de Colombier. L'ambiance dans l'école avait en effet été fort agréable et les élèves en étaient pétris.

L'athmosphère était tellement décontractée, mais de bon aloi que les aspirants pouvaient se risquer à des réponses un peu hardies à des questions farfelues d'officiers. Exemple: Pourquoi ferre-t-on les chevaux ? parce que sans cela ils s'useraient les membres jusqu'à devenir des bassets !

Ce que les cadres de l'école ne purent traiter que théoriquement consiste en ce qui ressort de l'affirmation L'adversité est pire que l'adversaire. Dans une école sans longs exercices par mauvais temps et sans dures et longues épreuves physiques, on ne peut apprendre concrètement à la troupe à durer (rester prête à l'action) en dépit de la fatigue, du mauvais temps, du manque de sommeil, de l'incertitude quant à l'ennemi. On est menacé de voir des officiers oublier de se raser, de décrotter leurs habits, de renoncer à ordonner la poursuite rigoureuse de l'inspection des guetteurs, de vérifier l'état des armes et engins .. L'ennemi peut alors aisément bousculer nos troupes : la défaite étant due à la démission morale de la troupe par la faute de ses chefs.

A défaut de grandes choses à vivre dans une école, on a appris aux élèves avec en-train à être précis, ponctuels, assidus, soignés, compréhensifs dans le quotidien.

Qui ne se souvient pas de voir le major Cuénoud étendre largement les bras sous le poncho et, ne recevant pas une réponse pertinente à une question justifiée, soupirer Seigneur éclaire-les !

 

5. Les services accomplis avant la mobilisation de 1939

Les lieutenants issus de l'école I/37 accomplissent les cours de répétition de 1937 avec leur unité d'incorporation du moment (dans la mesure où le tableau des CR les fait appeler après le 1. mai). Certains prennent part aux manouvres et au défilé de la 1. division sous les yeux du Maréchal Pétain.

En 1938, ils feront tous un cours de répétition de 3 semaines dans l'armée réorganisée du 1.1.38. Ils auront payé leur galon de lieutenant en 1937 ou 1938.

En 1939, ils feront encore un CR de 3 semaines (si le tableau des écoles et cours fait servir leur unité avant le 1.9). Le 29.8 ou le 2.9 ils entreront en service actif dans le cadre de leur division ou de leur brigade frontière. Ils accompliront pendant 5 ans une douzaine de relèves plus ou moins longues.

 

6. La période de 1946 à 1987

Ces quelque 40 années amèneront les aspirants à accomplir leurs obligations militaires au temps de la guerre froide.

Avant d'être libérés du service, certains seront colonels, 2 d'entre eux, Dessibourg et Schmidt, parviendront au grade de brigadier, Borel à celui de divisionnaire et Hirschy à celui de commandant de corps. Cas spécial : Paul Frossard de Saugy sera décoré de la Légion d'honneur pour les services éminents rendus aux Français dans le cadre de notre SR en région genevoise et voisine.

Pendant ces quelque 4 décennies, les aspirants n'ont guère eu le temps ou l'envie de vivre des réunions d'Anciens de 37. Certains vécurent toutefois des journées de leur unité de service actif.

On peut signaler qu'un ancien, le colonel Gafner, s'est fait connaître favorablement par des entretiens radiodiffusés avec le Général Guisan : manière de servir encore.

Beaucoup de nos camarades sont décédés dans la période 1939-1987. L'idée de fêter le cinquantenaire de 1937 naquit toutefois et les anciens encore vaillants se retrouvèrent dans le beau cadre de Colombier.

 

7. De 1987 à 2002

Pendant 15 ans, les camarades encore vaillants ont pris plaisir à se rencontrer chaque année pour une excursion, avec une partie sérieuse (histoire militaire, connaissance de certains coins du pays).

Les sorties se déroulèrent à tour de rôle dans plusieurs cantons romands, ainsi qu'une fois en France voisine (région de Bellegarde) : Rencontre avec des vétérans du valeureux maquis de l'Ain.

Ces dernières années, l'âge étant venu et les effectifs ayant hélas fondu, on se mit à se limiter à des promenades sur nos grands lacs (Léman, Neuchâtel, Morat) pour n'avoir pas trop à marcher.

Denis Borel

           

Diffusion: (tirage: 20 exemplaires)
  • Aspirants vaillants en 2002
  • inspceteur des armes de combat
  • cdt 2. division
  • cdt EO inf de Chamblon
  • cdt ER inf Colombier
  • Madame Hirschy
  • Madame Rohrer
  • Madame Gafner