Le Pertuis

 

La grand-mère Augusta, née de Reynier, fit une chute dans les escaliers, se cassa le col du fémur et en mourut le cinquième jour.

C'est Madeleine, l'ainée des trois filles, qui reprend la direction de la maison. Elle meurt d'un cancer du sein en 1933. Les deux autres soeurs, Isabelle et Antoinette, ne purent plus tenir la maison sans personel et louèrent un petit appartement à la rue Matile. Elles vidèrent la maison de tout ce qu'elle contenait dans une enchère publique, en particulier huit cuirasses mais à l'exception des meubles du salon. La bibliothèque fut rachetée par George Fleschmann pour la partie historique et les archives familiales, et Raymond Koechlin pour la partie littéraire. Je pus récupérer quelques pièces de la bibliothèque historique auprès de George, que je ramènerai de Paris au Pertuis, en particulier les cinq gros volumes où sont reliés les pièces des procès de succession à la souveraineté de Neuchâtel de 1672 à 1707. Les lettres de François Ier sont déposées aux archives de l'Etat.

Pendant la guerre la maison fut louée au pasteur Bürger qui l'occupa avec sa famille.

Puis la maison fut divisée en deux parties, la moitié Est étant occupée par l'architecte Châble qui la transforma. Il construisit l'escalier en bois d'accès à l'appartement. La partie Ouest, la grande, fut louée à la ville où elle logea la famille du jardinier des Cadolles et les employés subalternes des Cadolles dans les chambres du deuxième étage.

La maison était chauffée par un gros calorifère au bas des escaliers. Au même endroit se trouvait l'endroit où les employés du deuxième devaient se laver. Il s'agissait d'un tuyau perforé de quelques trous par lesquels coulait l'eau qui était recueillie dans une auge formée par deux planches en V.

Mon beau-père Rodolphe de Merveilleux était devenu propriétaire de toute la propriété quand, en 1953, nous nous installâmes au Pertuis avec 5 enfants.

Quand en 1953 je fus nommé chirurgien des enfants à l'hôpital Pourtalès nous cherchâmes en vain un grand appartement en ville. Je m'adressai à mon beau-père. Il me répondit "mais cette maison n'est pas habitable en raison du chauffage par les poëles qui exigent du personnel pour les chauffer". Je lui proposai alors d'installer le chauffage central. Il me répondit: "mais ce n'est pas possible car les murs mitoyens sont trop épais". Je m'adressai alors au fourrier Nagel qui était appareilleur. Il me dit qu'il n'y avait pas de problème et il fut chargé de l'installation dsu chauffage central au mazout qui chauffe encore toute la maison. C'est en 1954 que nous occupèrent le corps principal de la maison, l'appartement créé par Châble étant loué à mon assistant Miranda.

Le loyer que nous payions à mon beau père fut fixé à 850 francs car il fallait tenir compte des travaux de rénovation que notre arrivée avait entraînés.

Cette maison avec toutes les chambres individuelles du second étage changea notre vie de famille. Jusque-là nous occupions de petits appartements avec des voisins au-dessus, au-dessous et à côté de nous. Nous devions en tout temps empêcher nos enfants de faire du bruit. Nous ne pouvions pas les fesser quand ils le méritaient. Au Pertuis nous étions beaucoup plus libres: parents et enfants.

La ferme qu'occupe les Colomb a un bassin de fontaine taillé dans le granit qui porte la date 1736 et les initiales DB.

Lorsqu'en raison du phyloxera il fallut arracher les ceps pour les remplacer par des plants américains sur lesquels on greffait la vigne du pays, il y eut des années sans vendanges. Ce fut une grosse perte pour les propriétaires mais pour les vignerons payés à moiteresse c'était une catastrophe. La propriétaire du Pertuis engagea alors ses vignerons contre salaire pour remonter la terre du fond du vallon sur la colline Nord. Depuis-lors il pousse une belle herbe sur cette pente.

par Bernard de Montmollin