L'histoire neuchâteloise, une quête de l'indépendance

(par Bernard de Montmollin)

 

 

L'histoire du pays de Neuchâtel suit le même fil conducteur que l'histoire des autres États confédérés: c'est l'histoire de communautés naturelles qui acquièrent le droit de disposer d'elles-mêmes et s'organisent pour le conserver.

 

1214 En 1214, les bourgeois de la Ville de Neuchâtel reçoivent une charte de franchises et dès lors s'organisent politiquement pour gérer leur communauté. Ils créent une milice et deviennent une force avec laquelle le Comte doit composer.

 

1406 En 1406 les bourgeois, conjointement avec le Comte, concluent un traité de combourgeoisie avec Berne, instituant cette ville comme arbitre des différends qui pourraient survenir entre le Comte et la Ville. Depuis lors, les milices de la Ville participeront aux entreprises guerrières de la République de Berne et le Comté de Neuchâtel jouira de la protection de Berne.

 

1476 Lors des guerres de Bourgogne, l'alliance avec Berne, Fribourg, Soleure et Lucerne prévaudra sur les intérêts que le Comte avait en Bourgogne.

 

1512-1529 Pendant l'occupation de Neuchâtel par les douze cantons (1512-1529) la bourgeoisie de Neuchâtel prend de l'indépendance, ce qu'elle manifestera après la restitution du Comté à Jehanne de Hochberg, quand elle choisira la Réforme.

 

1530 En effet, le 4 novembre 1530, les bourgeois se prononcent à la majorité des voix pour la Réforme, sans tenir compte de leur souveraine catholique.

Par la suite, les paroisses du pays acceptent les unes après les autres la Réforme par un vote des paroissiens. Seules les paroisses de Cressier et du Landeron refusèrent la Réforme.

Cette indépendance, que manifestèrent les habitants du pays à l'égard du Souverain dans le domaine religieux, est exceptionnelle en Europe et même en Suisse où c'est le pouvoir politique qui prend la décision pour la population.

 

1648 Dans la première moitié du dix-septième siècle, lors de la guerre de Trente Ans, le pays de Neuchâtel bénéficie de la neutralité de la Confédération et, au traité de Westphalie (1648) qui conclut cette guerre, Neuchâtel obtient son indépendance de l'Empire en même temps que les treize cantons.

 

1690 Dans la seconde moitié du siècle, la montée en puissance du royaume de France sous Louis XIV, et le risque d'annexion de Neuchâtel après celle de la Franche Comté, vont amener les Neuchâtelois à prendre en main la destinée de leur État. Ils comprennent qu'il devient dangereux d'avoir comme souverains des princes français sur lesquels le roi a des moyens de pression.

 

1699 Ils avaient pu mesurer ce danger lors des procès de succession de 1672 et de 1694, et en particulier lorsqu'en 1699 Louis XIV assigne à résidence, dans son château de Coulommiers, Marie de Nemours pourtant souveraine de Neuchâtel parce qu'elle avait contrevenu à ses ordres en nommant un gouverneur de Neuchâtel sans prendre son conseil.

 

1699 Dans ces circonstances, ce ne sont plus les bourgeois de la Ville de Neuchâtel qui vont prendre seuls en main les destinées du pays car la situation est assez grave pour que tous les Neuchâtelois se sentent concernés. Le Conseil d'Etat, dans ce but, convoque en avril 1699 une assemblée des Corps et Communautés de l'Etat. C'est ainsi que les corps constitués de l'Etat: Compagnie des pasteurs, les quatre Bourgeoisies de Neuchâtel, Valangin, Boudry, Le Landeron se réunissent à Neuchâtel avec les députés des soixante Communautés pour conclure un Acte d'union et d'association stipulant qu'ils ne reconnaissent pas, dans les questions touchant à la souveraineté du pays, les décisions de tribunaux étrangers et que seul le Tribunal des Trois États, formé uniquement de Neuchâtelois, est habilité à trancher. De plus, ils s'engagent à se réunir toutes les fois que les circonstances l'exigeront.

L'union des peuples est ainsi réalisée, ce qui permet d'affronter avec confiance l'échéance de la mort de Marie de Nemours qui ouvre au pays des perspectives nouvelles puisque cette souveraine n'a pas d'héritier direct.

Les Neuchâtelois peuvent ainsi tirer parti de la conjoncture qui leur est offerte.

L'idée que la bourgeoisie de Neuchâtel puisse prendre la place du souverain et instituer une république à l'exemple des villes alliées de Berne, Fribourg, Soleure et Lucerne, n'est pas absente des réflexions des bourgeois de Neuchâtel. Au printemps 1699 paraît même un manifeste intitulé Le Tombeau des prétendants.

Fort heureusement, il y eut des magistrats qui ne se laissèrent pas abuser par ces perspectives car ils savaient que la Bourgeoisie de Valangin, groupant les paysans des Montagnes très sourcilleux de leurs libertés, ne tolérerait pas un gouvernement aristocratique de la Ville. Aussi, dès 1690, ces notables conçurent l'idée de confier la magistrature suprême à un prince étranger à la France. Ils persuadèrent alors le roi d'Angleterre Guillaume III de revendiquer Neuchâtel à l'extinction de la Maison d'Orléans-Longueville et ceci au titre d'héritier de la Maison de Chalons, très ancienne suzeraine des comtes de Neuchâtel.

Guillaume III d'Orange Nassau, roi d'Angleterre, fait connaître ses prétentions sur Neuchâtel au Traité de Ryswyck, en 1697, mais il meurt en 1702, avant la duchesse de Nemours, et ses droits sur Neuchâtel reviennent à l'Électeur de Brandebourg, futur roi de Prusse.

 

1707 Quand Marie de Nemours meurt le 16 juin 1707, et que s'ouvre le procès de succession devant le tribunal des Trois États, l'Association des Corps et Communautés est convoquée (le 11 juillet). Il s'agit de faire en sorte que toute la population du pays fasse corps, devant les pressions que l'on peut attendre de la part de Louis XIV. Il faut aussi que l'on établisse l'inventaire des droits des peuples à communiquer aux quinze candidats et à faire admettre à celui dont on prépare depuis plusieurs années l'avènement: Frédéric I de Prusse.

Les conditions posées au roi de Prusse, et que celui-ci doit garantir sous serment, sont rédigées dans les Articles généraux concernant tout l'Etat, les neuf articles particuliers concernant la bourgeoisie de Neuchâtel et les quatorze articles particuliers concernant la bourgeoisie de Valangin. Ces articles, qui s'ajoutent aux franchises et aux Anciennes bonnes coutumes écrites et non écrites, établissent un régime monarchique sur mesure. Les compétences du Prince sont essentiellement celles d'une instance de recours capable de maintenir l'équilibre entre les différents corps de l'Etat. De plus, il nomme les membres du Conseil d'Etat, les anoblit et par-là introduit au gouvernement du sang neuf, ce qui n'est pas sans intérêt en un siècle où les républiques aristocratiques de Suisse ferment le cercle de leurs ayant-droit.

Les princes de la Maison de Hohenzollern, qui se succèdent pendant tout le XVIIIe siècle, restent fidèles aux engagements qu'avait pris Frédéric I et qu'ils reprennent à leur compte au début de chaque règne lors de la cérémonie des Serments réciproques. Ils essayent d'introduire quelques nouveautés, notamment dans le domaine judiciaire, mais c'est en général en vain car toute innovation est reçue alors comme une atteinte potentielle aux libertés des peuples. On est à l'époque du despotisme éclairé mais les Neuchâtelois y sont foncièrement réfractaires. On le voit bien quand Frédéric II veut introduire la ferme de l'impôt. La Bourgeoisie de Neuchâtel s'y oppose et l'affaire est portée devant la judicature de Berne, conformément au traité de combourgeoisie de 1406. Berne décrète d'abord que l'institution d'une ferme de l'impôt n'est pas contraire aux Articles généraux et donne raison au Prince. Mais l'affaire échauffe les esprits en Ville de Neuchâtel où l'animosité se tourne contre l'avocat Gaudot que le Prince a choisi pour défendre sa cause à Berne. Gaudot est assassiné à son domicile par une populace excitée qui n'admet pas qu'un bourgeois puisse plaider contre la bourgeoisie. Une troupe bernoise occupe la Ville, les esprits se calment et on en revient à l'ancienne pratique.

 

1792-1798 La tourmente révolutionnaire épargne le pays grâce à la souplesse du Conseil d'Etat qui joue sur deux tableaux et à la cohésion sociale qui se révèle solide.

 

1806 En 1805 Frédéric Guillaume III cède la Principauté à Napoléon, qui l'offre, en 1806, au prince Berthier. Les Neuchâtelois n'ont aucune part à cette transaction mais leurs libertés n'en souffrent pas car le passage d'un prince à l'autre se fait sans modification des institutions du pays et tous les magistrats peuvent rester en place.

 

1814 Le retour de la Principauté à Frédéric-Guillaume III, huit ans plus tard, se fait tout aussi simplement.

Le 12 septembre 1814, la Principauté est enfin reçue, comme vingt et unième canton, dans la Confédération helvétique. Cette incorporation si longtemps attendue, et qui répare la rupture de 1798, suscite néanmoins une lutte de prestige à l'intérieur du pays. En effet cette incorporation exige la création d'un organisme indépendant du Prince qui puisse donner des instructions aux députés à la Diète et établir les règlements d'exécution des décisions de celle-ci. Sera-ce le Conseil d'Etat et les officiers de juridiction dépendant de lui qui répondront du canton envers la Confédération ou les Corps et Communautés de l'Etat? Ce litige est soumis au Prince. Les arguments des uns et des autres nous sont connus par les mémoires qu'ils rédigèrent. L'un des arguments des quatre bourgeoisies est nouveau. En effet, celles-ci afïirment qu'en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le Conseil d'Etat n'a pas sa place aux Audiences. Le Conseil d'Etat, de son côté, prétend être le vrai représentant du Canton dont le pouvoir n'est limité que par la Charte. Or la Charte reprend les Articles généraux et particuliers avec une seule innovation qui est la liberté des cultes, protestant et catholique, sur tout le territoire du canton.

La formule hybride qui prévaut tient compte des deux conceptions, à cela près que les quatre bourgeoisies ne sont pas représentées en tant que telles mais peuvent l'être par les députés des districts. Pour éviter que cette question de représentation ne dégénère, le règlement stipule qu'une décision ne peut être prise que par les deux tiers des députés et que si ce score n'est pas atteint, un rapport de majorité et de minorité doit être soumis au Prince pour qu'il trouve une solution acceptable par les deux parties.

Vu sous l'angle de droit du peuple à disposer de lui-même, la création de ces Audiences ne revêt qu'une importance mineure: les communautés rurales continuant à se gérer elles- mêmes, la bourgeoisie de Neuchâtel gardant son indépendance et la bourgeoisie de Valangin, très consciente de ses libertés, continuant à élire ses maîtres-bourgeois et à se réunir en grande Landsgemeinde tous les trois ans.

Muselées par toutes ces libertés, les Audiences n'innovent donc pas, se contentant de suivre la politique fédérale.

 

1831 En 1830, un vent de libéralisme parti de Paris souffle sur l'Europe et provoque à Neuchâtel une réforme des institutions qui, consensuelle au début, évolue en deux insurrections armées.

Au printemps 1831, l'agitation libérale atteint la population neuchâteloise après que de véritables révolutions ont renversé, dans de nombreux cantons, les autorités issues de la Restauration. Inquiet le Conseil d'Etat fait appel au Prince qui envoie un conciliateur plénipotentiaire en la personne du général de Pfuel. Celui-ci, après consultation des Corps et Communautés, institue un Corps législatif élu par le peuple, dont le Conseil d'Etat, réduit au pouvoir exécutif, serait exclu.

Élu le 28 juin à raison d'un député pour 500 âmes, plus dix notables désignés par le Prince, le Corps législatif se réunit le 11 juillet. Les 88 députés prennent d'emblée leur tâche très au sérieux; en onze séances, ils adoptent la plupart des réformes préconisées par le courant libéral:

  • Séparation des pouvoirs entre le corps législatif et le Conseil d'Etat;
  • Désignation, par le Corps législatif, des délégués à la Diète auxquels il donnerait ses instructions;
  • Obligation, pour le Conseil d'Etat, de convoquer régulièrement le Corps législatif;
  • Liberté de la presse contrôlée par une loi;
  • Publication des comptes-rendus des séances pour qu'ils soient connus de tous;
  • Accès du public aux séances.

Le commissaire royal quitte le pays, début août, persuadé d'avoir répondu aux désirs des populations et d'avoir par-là apaisé le pays et modernisé ses institutions.

Mais le Corps législatif a évité de soulever la question de la double allégeance du canton: à la Confédération et à son Prince qui était roi de Prusse. Or cette question commence à se poser sérieusement, non pas que le principe monarchique soit considéré comme attentatoire aux libertés du peuple mais parce que, dans une Suisse cherchant plus d'unité, ce statut de Neuchâtel canton et principauté apparaît de plus en plus comme une anomalie à corriger.

Cette particularité est surtout mal ressentie par les milices lorsqu'elles côtoient d'autres milices cantonales et que les soldats neuchâtelois se font traiter de Prussiens. C'est donc des milices que part, le 12 septembre 1831, le coup de main sur le Château de Neuchâtel, siège du gouvernement. Les chefs de cette insurrection sont des officiers, tels le lieutenant-colonel de Perrot, le capitaine Courvoisier et le lieutenant Bourquin, tous les trois députés au Corps législatif.

A cette insurrection armée répond la mobilisation des milices des Montagnes, ordonnée par le Maître-bourgeois de Valangin. Ces milices forment le Camp de Valangin.

Les deux armées restent face à face sans combattre. Grâce aux bons offices des délégués de la Diète, un armistice est signé, suivi, à la fin du mois, du rétablissement de l'ordre légal obtenu contre une amnistie complète des insurgés.

La question de l'émancipation du canton d'avec son Prince, monarque d'un pays étranger, reste cependant posée. Des pétitions sont adressées au Corps législatif demandant que cette question soit soumise à un vote populaire au scrutin secret.

Le Corps législatif est convoqué le 7 octobre et, comme en juillet, se met sérieusement au travail. Il s'agit de décider si la question de l'émancipation sera immédiatement soumise au vote populaire, comme le demandent les pétitionnaires, ou si le Corps législatif, élu démocratiquement, peut en décider lui-même.

Les comptes-rendus des cinq séances d'octobre 1831 sont très intéressants parce qu'ils reprennent souvent mot à mot les interventions des députés et qu'ils nous renseignent sur les conceptions que les Neuchâtelois se faisaient alors des libertés qu'ils avaient à défendre ou parfois même à conquérir.

Jusqu'à cette époque, à Neuchâtel, les libertés politiques sont toujours conçues comme des franchises. C'est à dire comme le droit qu'ont les communautés naturelles de se gérer elles-mêmes. L'autorité de l'Etat n'étant tolérée par elles qu'en vue d'assurer la paix, intérieure et extérieure, par les cours de justice et les milices. Les bourgeoisies en particulier se donnent pour mission première d'empêcher tout empiétement de l'Etat, représenté par le Prince et son Conseil d'Etat, sur leurs prérogatives.

Les idées nouvelles issues de la Révolution française récusaient ces conceptions médiévales et considéraient la liberté dans le droit qu'avait la Nation, représentée par les députés de la majorité, de légiférer sans rencontrer les obstacles dressés par des corps intermédiaires jaloux de leurs prérogatives. Les Droits de l'Homme individualistes remplaçaient les libertés communautaires.

Dans cette délibération d'octobre du Corps législatif, qui fut de haute tenue, se dessinent les deux conceptions du droit qu'a le peuple à disposer de lui-même, soit:

  • celle des conservateurs qui considèrent le Prince comme la clé de voûte de cet édifice de libertés communautaires édifié au cours des siècles;
  • celle des novateurs qui croient aux libertés démocratiques qu'apporterait une Suisse rénovée formant une véritable Nation.

Sachant que leurs interventions seront rendues publiques par l'impression des comptes rendus des séances, certains députés en profitent pour s'adresser à l'opinion publique.

Le procureur Frédéric de Chambrier veut, en rendant publics plusieurs documents officiels, couper court à des idées fausses et même à des calomnies qui se répandent dans la population à l'occasion des troubles. Parmi celles-là, il insiste sur les particularités de l'union personnelle de Neuchâtel avec le roi de Prusse, qui n'est en aucune manière une union avec la Prusse Le roi d'Angleterre est en même temps roi de Hanovre, mais que dirait un Anglais si, pour cette raison on lui disait qu'il est Anglais et Allemand!.

De son côté l'avocat Bille fait remarquer que cette union personnelle devient dangereuse car, si la France voisine entre en guerre contre la Prusse, le Canton de Neuchâtel est en danger, créant de ce fait de gros ennuis à la Confédération. Il conclut en disant que même si le Prince a toujours respecté les libertés et l'indépendance de Neuchâtel, le temps est venu de négocier avec lui une émancipation. Dès lors, il s'agit d'obtenir le mandat du peuple neuchâtelois par une votation au scrutin secret.

L'assemblée juge alors qu'il est préférable de ne pas réveiller, par un vote populaire, les animosités qui se sont manifestées lors de l'insurrection de septembre. Elle vote donc, par 47 voix contre 31 qu'elle ne demandera pas l'émancipation au Prince mais que, suivant l'ancienne pratique des Audiences, elle lui ferait parvenir un rapport rédigé par la minorité. Or celle-ci y renonce finalement, attendant l'arrivée du Commissaire royal.

Sitôt de retour, le Général de Pfuel commence ses consultations. Il trouve ses interlocuteurs poussés aux extrêmes: les fidèles sont devenus plus royalistes que le roi et les patriotes sont de vrais révolutionnaires.

En ouvrant la session du Corps législatif, le 5 décembre, le Commissaire royal prononce un discours dans lequel il informe l'assemblée qu'avec le Conseil d'Etat il a pris des mesures pour contrecarrer une insurrection qui se prépare dans le canton de Vaud, ensuite d'une tournée triomphale d'Alphonse Bourquin.

Les mesures prises sont les suivantes:

  • une démarche auprès du Gouvernement vaudois pour qu'il empêche ses concitoyens de traverser la frontière neuchâteloise;
  • la mise sur pied d'une garde soldée en ville de Neuchâtel;
  • la mise en alerte des milices des Montagnes.

Tout le monde se rend compte que la question de l'émancipation se réglera par les armes, ce qui ne manque pas d'arriver. L'insurrection est écrasée au Vignoble et au Val-de-Travers, du 17 au 20 décembre, par les milices restées fidèles et, cette fois-ci, les meneurs civils sont très sévèrement punis.

La divergence entre les deux conceptions du droit du peuple à disposer de lui-même, l'ancienne et la nouvelle, ne fera que s'accentuer au cours des années, malgré un ordre légal rétabli et un calme apparent.

 

1847 Le 29 octobre 1847 le Corps législatif est convoqué en session extraordinaire pour accepter ou refuser de fournir ses milices à l'armée des douze cantons régénérés qui doit dissoudre la coalition des sept cantons minoritaires: le Sonderbund.

Le compte-rendu de cette séance est très intéressant parce qu'il met encore une fois en lumière les conceptions divergentes du droit du peuple à disposer de lui-même. Chaque député est requis de donner son avis motivé et on voit les royalistes prendre la défense des vrais démocrates que sont à leurs yeux les habitants des petits cantons, fondateurs de la Confédération. Ils dénoncent l'entorse fait au Pacte de 1815 en préparant une guerre de la majorité contre les sept cantons qui prétendent rester maîtres chez eux. A la votation, le refus du contingent est appuyé par 73 voix contre 12.

 

1848 Le Sonderbund ayant été écrasé, la situation du Canton de Neuchâtel n'est plus tenable. Le ler mars 1848, l'ancien régime tombe sans coup férir, faisant place à un régime radical aligné sur celui des autres cantons.

La Constitution républicaine est adoptée par le peuple neuchâtelois le 30 avril. A noter que les électeurs de l'ancien Comté de Valangin se prononcent en majorité contre le nouveau régime, fidèles en cela à leur conception de l'indépendance.

 

1852
1856
La bourgeoisie de Valangin est supprimée par le nouveau gouvernement, en 1852, ce qui explique, sans le justifier, le malheureux coup de force royaliste de 1856.

 

1872-1874 L'échec de ce baroud d'honneur fait comprendre aux royalistes impénitents que le temps est venu de changer de drapeau. Dès lors, on ne parlera plus de royalistes mais de fédéralistes ou de conservateurs. Sous le drapeau libéral, et alliés à tous les fédéralistes de Suisse, ils obtiennent le rejet de la Constitution de 1872 et une Constitution plus fidèle aux libertés communautaires est promulgée en 1874. Cette Constitution, qui nous régit encore, distingue le régime démocratique suisse de celui des pays qui nous entourent, notamment par le droit que le peuple a gardé de se gérer en communautés modestes (cantons, communes) et de surveiller par le référendum la manière dont la Confédération utilise les compétences qui lui ont été déléguées.

 

L'histoire neuchâteloise, une quête de l'indépendance
par Bernard de Montmollin (9.1.1996)